Historique des recherches
Le site de Tintignac-Naves est mentionné pour la première fois en tant que site archéologique en 1633 par Bertand de Latour dans Institutio Tutelensis ecclesiae. En 1717, Etienne Baluze, bibliothécaire de Colbert, y fait référence dans son ouvrage Historia Tutellensis mais l'accompagne d'une gravure représentant des arènes, alors qu'il s'agit en réalité d'un théâtre. Cette redécouverte se produit quelques décennies après la Renaissance qui marque un vif regain d'intérêt pour l'Antiquité.
Au XIXe siècle, ce sont les Romantiques qui s'intéressent au site archéologique et à ses ruines pittoresques, au cours de leurs voyages durant lesquels ils sillonnent la France. C'est ainsi qu'Abel Hugo le cite en 1835 dans La France pittoresque, tout comme Jean-Baptiste Tripon en 1837 dans Historique monumental de l'ancienne province du Limousin ou Prosper Mérimée en 1838 dans Notes d'un voyage en Auvergne. A la suite de la visite de Mérimée à Tintignac, alors Inspecteur des Monuments Historiques, le site archéologique est classé au titre des M.H en 1840.
Les "arènes" telles qu'on les représentait encore au XIXème siècle. Illustration de l'ouvrage de J-B. Tripon.
Les premières fouilles sont engagées en 1842 et concernent ce que l'on croit alors être des "boutiques" et qui de nos jours a été requalifié sous le terme de "fanum". Les fouilles furent reprises en 1846 et 1847, pour dégager une petite partie du théâtre, la cour du fanum et de ce que l'on appellera, là encore à tort, le "tribunal". Près de quarante ans plus tard, en 1884, une campagne de fouilles débute à nouveau avec pour but de dégager les murs afin d'établir un plan détaillé du site de Tintignac-Naves. Il restera ensuite en sommeil pendant 117 ans.
Les fouilles récentes (2001-2012)
2001. Première campagne depuis le XIXe siècle
La commune de Naves, en vue de valoriser son patrimoine archéologique, décide de programmer une campagne de fouilles archéologiques en partenariat avec la DRAC ; la première campagne de fouilles débute en juillet 2001, sous la direction de Christophe Maniquet (INRAP). Les recherches concernent dans un premier temps toute la moitié sud du fanum et de sa cour attenante où les vestiges des deux cellae, à l’air libre depuis de nombreuses années, sont menacés de détérioration.
Les travaux de recherches découvrent sous les niveaux de la cella sud de ce fanum, daté du second siècle de notre ère, un fanum augusto-tibérien (début Ier s. ap. J.-C.) ; ce fanum, composé d’une cella carrée et d’une galerie de circulation au sol « bétonné », présentait sur les murs conservés un décor de peintures murales. Des monnaies et du mobilier découverts dans 2 fosses circulaires scellées par les niveaux de circulation « bétonnés » ont permis de dater ce petit temple de la première moitié du Ier s. de notre ère.
Plan des fouilles. Christophe Maniquet (INRAP)
2002. Poursuite des recherches dans le fanum et sa cour
Les fouilles découvrent la moitié nord du sanctuaire où les vestiges d’un second fanum, presque identique au premier trouvé en 2001, est dégagé sous les niveaux du fanum de la période antonine (milieu du second siècle ap. J.-C.). Deux fosses cultuelles circulaires, scellées également par les sols bétonnés, ont permis de dater cet édifice de la première moitié du Ier s. de notre ère.
Les recherches ont donc découvert deux temples jumeaux, deux fana, élevés au début du Ier siècle ap. J.-C. Aucun indice parmi le mobilier dégagé n’a permis d’émettre une hypothèse sur les divinités honorées dans ces temples.
Plan du fanum du Ier siècle. Christophe Maniquet (INRAP)
2003. Fouilles dans l'édifice hémicirculaire
La moitié nord de ce grand édifice de 90 m de long a été dégagé lors de la 3ème campagne. Composé d’une cella centrale, d’une galerie de circulation hémicirculaire bordée d’exèdres et donnant sur une vaste cour surplombant le théâtre, il était luxueusement décoré de marbres de différentes provenances. Ce grand édifice, au plan original et possédant une riche décoration, a sans doute une fonction religieuse, mais rien n’a permis de préciser si il était dédié à une divinité ou au culte impérial. Sa datation remonterait au milieu du second siècle de notre ère.
Photographie aérienne du bâtiment hémicirculaire. Christophe Maniquet (INRAP)
2004-2005. Découverte du dépôt d'armes gaulois
Les recherches reprennent dans la cour attenante au fanum. Sous les sols de circulation d’époque gallo-romaine de la cour, l’équipe archéologique découvre des structures en creux : des trous de poteaux matérialisent l’existence d’un édifice religieux construit en matériaux périssables et daté de l’époque gauloise (IIe s. av. J.-C.). Mais surtout ils découvrent à proximité de ce temple une fosse carrée où ont été déposées quantité d’armes datées de l’Age du fer : épées, fourreaux, umbo de bouclier, pièces d’harnachement, fers de lance, casques, un chaudron et des trompettes de guerre appelées carnyx. L’ensemble présentait du mobilier inédit (casque-oiseau, carnyx) mais toutes les armes avaient été volontairement mutilées avant leur enfouissement ; il s’agit d’un dépôt d’armes offert à la divinité, avec mutilation rituelle de mobilier sacré avant la destruction du sanctaire gaulois. Ce bâtiment cultuel laténien a donc été détruit pour être reconstruit selon un plan architectural nouveau avec l’apparition de matériaux « modernes » propre à l’époque gallo-romaine : murs maçonnés, sols en béton de chaux, toitures couvertes de tuiles.
Dépôt d'armes gaulois. Patrick Emaux (INRAP)
2006-2008. Arrêt provisoire des fouilles archéologiques
L’exceptionnelle découverte du dépôt d’armes induisait l’arrêt momentané des recherches archéologiques afin de consacrer du temps à sa restauration et à son étude par différents spécialistes. Depuis certaines armes ont été restaurées (épées, casque-oiseau, les carnyx à tête de serpent et de sanglier) et ont fait l’objet d’expositions et de conférences à Paris (Cité des Sciences en 2012) et en Europe.
2009-2012. Etude des voies de communication
La reprise des fouilles a permis de consacrer les recherches sur l’étude des voies aménagées sur le site et reliant les différents bâtiments entre eux. Les fouilles ont permis de mettre au jour des voies de communication échelonnées dans le temps et d’étudier leur aménagement technique : ainsi trois voies successives ont été visualisées (dont quatre axes), construites dès le Ier s. ap. J.-C. et réaménagées au deuxième siècle. Leur construction consistait à creuser directement le substrat naturel afin d’y déposer un lit de petits cailloux calibrés. La découverte d’une monnaie de Constantin (306-337 ap. J.-C.) sur une voie permet d’affirmer que la fréquentation de la voierie a perduré jusqu’au IVème siècle de notre ère.
Voie de circulation empierrée entre le bâtiment hémicirculaire et le temple improprement nommé « tribunal ». 2012
Texte : Isabelle Chastagnol
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