Un lieu de passage, un lieu d'échanges
Situé sur le territoire du peuple gaulois des Lémovices, le site de Tintignac-Naves (Corrèze) a été bâti entre deux sommets à environ 500 mètres d’altitude dominant ainsi les alentours et offrant une vue dégagée sur les Monédières et sur les vallées de la Corrèze et de la Vimbelle. Mais ce n’est pas que pour sa topographie que l’emplacement à été choisi. En effet, Tintignac-Naves est situé le long d’une route proto-historique reliant la Bretagne à la Méditerranée et par laquelle transitait l’étain venu d’Armorique, métal indispensable, avec le cuivre, à la réalisation d’objets et d’armes en bronze. Tintignac-Naves aurait pu être un croisement entre cette route et la voie romaine dite « d’Hadrien » reliant Lugdunum (Lyon) et Augustonemetum (Clermont-Ferrand) à Vesunna (Périgueux) et à Burdigala (Bordeaux), l’actuelle A89. Par ailleurs, on a retrouvé, ailleurs sur la commune de Naves, des indices montrant un peuplement existant dès le Néolithique et persistant à l’âge du bronze comme l’indiquent des haches trouvées à Cézarin, à quelques 700 mètres de Tintignac. Les vallées de la Corrèze et de la Vimbelle ont également constitué un bassin minier important à l’époque gauloise pour l’extraction du fer mais surtout de l’or. Il semble que la région se soit aussi développée grâce à son agriculture organisée en petits domaines régulièrement espacés.
Tintignac-Naves au sein du territoire du peuple gaulois des Lémovices. Carte : Mikaël Dupuy
Tintignac-Naves au temps de son apogée (IIIème s. de notre ère). Illustration : Philippe Marcillac-Jouvenel
Un site imprégné par différents cultes
Avec la conquête de la Gaule par Jules César en -52 av. J-C s’ouvre la période dite « gallo-romaine » et c’est quelques années après que débute le développement du site de Tintignac-Naves, ancien sanctuaire gaulois devenu pôle de « romanisation » des campagnes lémovices. Les élites gauloises locales, sans doute soucieuses de plaire au nouveau pouvoir impérial, ont rapidement détruit le sanctuaire gaulois pour laisser place au fanum gallo-romain. Ce pôle rassemble plusieurs bâtiments publics de grandes dimensions, très luxueux et tous à fonction religieuse, mais sans une forte concentration de population qui pourrait permettre de qualifier ce site de « ville ». C’est la raison pour laquelle les historiens et les archéologues s’interrogent toujours sur la fonction exacte de l’agglomération rurale de Tintignac, ne parvenant pas encore non plus à définir le rôle exact de certains bâtiments découverts, notamment celui improprement nommé "tribunal". Tintignac connaît son apogée au IIIème siècle et son abandon se déroule, semble-t-il, au IVème siècle. Le site est ensuite incendié, peut-être par les premiers évangélisateurs chrétiens de la région qui le considèrent comme un vestige des cultes païens.
La grandeur des bâtiments, la superposition des civilisations
La première construction retrouvée sur le site de Tintignac est un sanctuaire gaulois datant du IIème siècle avant notre ère. Entièrement construit en bois, il était entouré d’une palissade formant un espace carré de 24 mètres de côté et comprenant un bâtiment central lui aussi en bois. Avec la romanisation, l’espace est arasé et rapidement, un temple gallo-romain le remplace. Celui-ci sera remanié jusqu’à sa dernière forme, celle d’un fanum à deux cellae, des salles sacrées où l’on conservait les statues de divinités et auxquelles les dévots consacraient des offrandes. Le temple était entouré d’un péribole pour former un espace sacré. Un puits a été fouillé, celui-ci a sans doute dû servir lors de la construction au IIème siècle d’un aqueduc souterrain destiné à alimenter en eau un bâtiment à fonction thermale et peut-être des fontaines. Au milieu du IIème siècle est construit le bâtiment en hémicycle, unique en son genre et d’un diamètre de 95 m. Les murs sont creusés de dix absides et d’une salle centrale, ce qui pourrait laisser penser à un panthéon, chacune des absides abritant alors la statue d’une divinité romaine. Ce bâtiment était extrêmement luxueux, les parois comme le sol étant recouverts de marbre, certainement importé des Pyrénées centrales, ou de porphyre venu du Péloponnèse et d’Egypte. A la même période et dans le même axe est construit un temple désigné à tort sous le nom de « tribunal » et d’une longueur de 75 mètres. Enfin, au IIIème siècle a été ajouté le théâtre, juste en contrebas du bâtiment en hémicyle, d’un diamètre de 85 mètres et doté d’une arène elliptique faisant penser à un théâtre-amphithéâtre, dans lequel on pouvait ainsi pratiquer à la fois des scènes théâtrales et des jeux. La présence d’un bâtiment au niveau d’une source a été avéré grâce à des sondages en 2001; il pourrait s’agir d’un bâtiment thermal mais il n’a jamais été fouillé. Plusieurs autres bâtiments, dont l’existence est avérée, sont présents autour de l'ensemble des quatre édifices connus mais aucune campagne de fouilles n’y a encore été menée.
Carnyx à tête de sanglier découvert à Tintignac-Naves. Photo : Claude Valette
Des objets uniques au monde essentiels à la connaissance de la civilisation gauloise
La fouille du site de Tintignac a été un apport majeur dans la compréhension de la civilisation gauloise et celte notamment grâce aux objets qui y ont été découverts. On y a ainsi trouvé dans une fosse située dans l’enceinte du sanctuaire gaulois, des objets datant du IVème au Ier siècle avant notre ère. Il s’agit du casque à anneaux et du casque-oiseau, certainement des casques d'apparat bien plus que des armes défensives, dans un état de conservation inégalé et d’une envergure impressionnante. On y a également trouvé des carnyx, uniques au monde, ces grandes trompettes de guerre gauloises finement ouvragées et fréquemment décrites ou représentées, jamais retrouvées aussi complètes jusqu’alors. Six possèdent un pavillon à tête de sanglier et une septième est à tête de serpent; elles produisent un bruit rauque, sans doute destiné à impressionner l’ennemi avant la bataille. Ces objets ainsi que des épées, des fourreaux, plusieurs autres casques, fers de lance et chaudron ont tous été retrouvés démontés et/ou endommagés, empilés et compactés dans la fosse. Il s’agirait d’un rituel sacrificiel pratiqué par les Gaulois qui dédieraient aux divinités leurs instruments de guerre. La même pratique rituelle a été observée sur de nombreuses pièces de monnaie gauloises rendues inutilisables après des frappes à coups de burin et probablement offertes en offrande aux divinités. Tous ces objets n’étant pas contemporains, on peut supposer qu’ils étaient, pour certains, exposés en mémoire d’une bataille ou d’ancêtres pendant plusieurs générations et que lors de la romanisation, les autorités gauloises ont pris la décision, lors de la destruction du vieux temple gaulois, de les enfouir définitivement dans le sanctuaire pour plaire au nouveau pouvoir romain.
Aujourd'hui sur le site de Tintignac-Naves
Dans l'attente de la réalisation d'une structure muséale à la dimension du trésor unique retrouvé à Tintignac-Naves, nous accueillons le public dans des locaux temporaires. Une partie des vestiges a également été temporairement recouverte dans l'attente de travaux de conservation, sont néanmoins visibles aujourd'hui sur le site de Tintignac-Naves :
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les vestiges du fanum, le temple gallo-romain,
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une reconstitution du célèbre carnyx-sanglier par J. Boisserie ainsi qu’une reproduction du casque-oiseau,
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l’exposition de photos de Patrick Ernaux sur le dépôt gaulois de Tintignac,
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une maquette du site à son apogée au IIIe siècle de notre ère,
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une cinéscénie de la Cité des Sciences représentant les rites votifs gaulois dans l'enceinte du sanctuaire de Tintignac,
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l'exposition des marbres, porphyres, urnes funéraires et d'une portion d'aqueduc trouvés à Tintignac-Naves,
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les vestiges apparents du théâtre restaurés en 2016,
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la visite virtuelle sur tablette en réalité augmentée disponible depuis 2016 : elle sera améliorée en 2020 et l'application sera enfin disponible sur smartphones ( nous vous fournirons plus d'informations sur le téléchargement de l'appli dés qu'elle sera finalisée)
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de nouveaux aménagements permettront de découvrir le site archéologique dans de meilleures conditions